assis
sur un coin de lit au fond du couloir fermé par un vitrage sans poignée le soir
doit être tombé depuis longtemps je réalise brusquement que je gesticule au
fond d’un aquarium d’ambiance même si aucun passant ne semble y prêter
attention pour le moment je vais fermer les volets ce que je ne peux pas faire
de l’intérieur il faut donc que je sorte de la maison je laisse la porte
d’entrée entre-ouverte et je longe la bâtisse pour atteindre la fenêtre je
double une foule de passants qui marche tous dans la même direction ils vont là
où se trouve ma fenêtre je longe un bâtiment de béton à la peinture jaune décrépite
des vestiges de noms en grosses lettres rouges sur la croute du
portail je prends conscience que je me suis bien trop éloigné de la porte
d’entrée laissée entre-ouverte et je décide de faire demi-tour même si je ne
dois plus être très loin de la fenêtre j’accélère le pas c’est à n’y rien
comprendre il est 1h52 et il fait jour comme au milieu de l’après-midi je
marche désormais à contre-courant je croise beaucoup de militaires à la mine
paisible ils sont coiffés de larges casquettes soviétiques et plastronnés de
décorations multicolores large comme des médailles en chocolat il y en a plein
partout je finis par atteindre la porte d’entrée Philippe est à l'intérieur
avec son ami tatoué qui doit l’aider à décorer son appartement ils sont donc
venus préparer le chantier chez moi le tatoué a les idées claires il explique
les nuances de couleur à partir des motifs existants et explore plusieurs
dispositions possibles comme un album de photographies je commence à douter de
son bon goût lorsqu’il parle de ramages avec des dauphins qui bondissent d’une
mer agitée à la manière d’un décor d’auto-tamponneuses le travail avance comme Philippe
l’entend il est donc question de se reposer sur le canapé en regardant une
vidéo musicale le tatoué est assis à ma droite il saisit ma main ses doigts
sont larges chauds et légèrement râpeux comme des galets au soleil je joint mon
autre main avec un sentiment mêlé de curiosité et de réconfort solennel comme
attirée par ces gros doigts à la texture de galet je ne pense pas que ce jeu se
prolonge plus de deux minutes avant que je ne plonge dans un sommeil conscient
un sommeil que je crois possible de déchirer à tout instant comme une pellicule
de papier mais je n’en fait rien et je glisse dans la gouttière d’un toboggan
jusqu’à me retrouver sur le sol empêtré dans une couverture verte c’est à mon
réveil que Philippe m’explique que le tatoué maîtrise l’hypnose à regards
parallèles qui se pratique côte à côte par entrelacement des doigts
samedi 19 avril 2014
lundi 14 avril 2014
j’attends
ils ne devraient pas tarder d’ailleurs ils sont là et je n’attends pas je suis
en retard je dois encore faire tous ces trucs que je pourrais faire plus tard
mais je préfère les faire maintenant on n’est pas à cinq minutes par exemple il
faut que je remonte la fermeture éclair de mon anorak noir à motifs fuchsia sur
les manches une voiture devant le muret elle n’est pas très bien stationnée car
on n’a pas le droit de stationner devant le muret mais ils ont l’air calme j’ai
un peu de temps et c’est ainsi que le temps passe quand je sors je m’aperçois
qu’il n’y a pas une mais deux voitures je me dirige vers le garage pour laisser
entendre que je gère le timing je tombe sur une canette dressée au bas du cadre
de la porte écaillée de peinture bleue une canette dressée comme une ode à
Francis ils exagèrent il faudrait bien le leur dire mais ils sont jeunes et il
n’y a pas de malice cette canette est un moment à ne pas enjamber je change
donc de porte j’essaye d’ouvrir celle de l’arrière cuisine maçonnée comme une
tourelle mais la clef coince je prends donc la direction du hangar à voiture
qui s’ouvre sans difficulté sur l’intérieur du garage caché derrière la canette
c’est comme avant mais plus pareil tout est sens dessus-dessous un empilement
d’échelles et d’étagères de bois noirci rangées sur la tranche des dizaines
d’années d’archivage sur un garage de terre battue avec au milieu le Haro à
roues jaunes avec un nouveau guidon Vector comme un marque page au milieu des
couches de bois noirci j’enjambe les étagères j’enjambe tout pour prendre le skate
derrière tous les autres oubliés empilés comme d’autres couches de bois des
skate aux formes classiques non technologiques primitives sauf une double pelle
à tartes au maquillage indien fluo tout le reste est du bois clair avec des
roulettes en dessous je sors la Kisiwa du garage et je tombe nez à nez avec la
bande des deux voitures stationnées devant le muret je les salue tous un par un
et m’excuse pour l’attente ils me disent que ce n’est pas grave ils me disent
qu’ils ont juste deux heures de canettes il y a des garçons et deux filles une
troisième à l’écart sans skate avec un bonnet sur la tête et des joues en
tricot elle tient un cerf-volant pourquoi pas elle est à sa place dans ce
rassemblement c’est un jour de retrouvailles je tâtonne sur la planche ils sont
tous devant je ne cherche pas à les rattraper je goutte l’ivresse du retour je
reconnaît le flex ce bon vieux flex des familles
dimanche 6 avril 2014
la
sortie du collège bisou sur la barre du pompier bisou sur la lippe qui se
dresse comme un horizon le sommet d'une vague magistrale une marche funèbre
bisou gros boudin bisou petit boudin tacotac ne pas croiser les regards ne
pas croiser les yeux de verre par crainte de malédiction la mère d’élève avec
son sac à main en plastique dur quatre lettres
obscènes sur son front quatre lettres qui gueulent comme un klaxon une église pour chaque
lettre en fuchsia sur fond blanc la sortie du collège est un monticule anguleux
clac clac à la montée clac clac à la descente picador dans les reins une rampe
d’accès citoyenne pour ne pas oublier sa condition d’handicapé arriver nez à terre
l’horizon au pris d’un torticolis soutenir son regard quand on
ne sait pas décoller le nez de la naissance de ses chevilles faire au plus simple
raccourcir la suspension bisou petit boudin quitter la salle de bal sans
avoir été annoncé ne subsiste dans l’air qu’une interrogation sans fondement se repaître du froissement des cheveux sans les cheveux
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