samedi 13 septembre 2025

Les queues de sirène à grosses écailles vertes sont très voyantes et c’est la raison pour laquelle on n’en voit jamais. Les sirènes ont naturellement de longs cheveux lisses pour favoriser l’hydrodynamisme mais ce n’est pas un critère distinctif car il peut arriver qu’elles sortent de chez le coiffeur avec une permanente indéfrisable. Les sirènes ne portent que des nu-pieds car une fois sorties de la mer, elles s’hydratent par la plante en captant l’imperceptible humidité de l’air comme le font les cactus. Elles privilégient les talons haut car en semelles plates, elles verraient leurs pieds comme des harengs coulant du filet sur le pont du chalutier, symptôme d’une inélégance morbide. Les robes de sirène sont tissées de fibres collagènes comme les jupes des méduses. Ce sont des robes couleur de temps dont la transparence s’ajuste avec l’humeur. Ainsi l’opacité les préserve de l’urine des regards tandis que la transe lucidité traduit l’envahissement d’un émoi intégral. C’est ce qui leur donne des scintillements de luciole à l’heure du crépuscule.

jeudi 4 septembre 2025

Il n’est pas surprenant que la chaussure de tennis soit commune à l’habit domestique et à la tenue de soirée car pour se rendre de la supérette au bar-cocktail il faut marcher donc utiliser ses pieds. Comme la plupart des objets de la vie domestique, les vêtements du quotidien sont principalement produits par la filière pétrograde. En revanche, les tenues de soirées sont faîtes de soieries qui demeurent inspirées de la nature, même depuis la fermeture des magnaneries. La soierie moderne, dénommée rayonne, prend racine dans les arbres qui prennent racine dans les cailloux. C’est la raison pour laquelle on aperçoit parfois, sur l’aplomb des murets, l’étoile et le croissant de lune sous la viscose de la nuit.

samedi 30 août 2025

Au plein cœur de l’été, Marie-Églantine sillonne les ruelles pavées de la vieille ville sans que personne ne sache. Celle qui fut érigée en symbole de la nation déambule librement au milieu de la foule derrière la sérénité de ses verres fumés. Il fut un temps où les assermentés et leurs camarades de garnison attendaient fébrilement chaque lundi matin l’entrée dans le hall encaustiqué du buste de Marie-Églantine avec son sein droit gorgé du soleil d’Argentine s’échappant de l’échancrure de sa marinière. Ce lundi n’arriva jamais et Marie-Églantine, n’ayant rien perdu de sa superbe, se promène aujourd’hui incognita à quelques bordées du Velay de ses ancêtres.

vendredi 29 août 2025

Il se peut qu’on enduise les tentacules de pieuvre d’huile d’amande non pas pour les préparer à la consommation mais au contraire pour empêcher coute que coute leur cuisson. Le passage est obstrué de myosotis qui appellent à la délicatesse. Ce n’est qu’à la condition d’une douce patience que chaque fleur déplacée pourra méticuleusement retrouver sa place. Les murs suintent comme ceux d’une caverne qui ne voit jamais la lumière du jour. Le cheminement se fait à tâtons le long des parois humides à la recherche de l’interrupteur de nature ignorée. C’est la butée sur un minuscule renflement qui entraine le resserrement puis l’écartement des murs, marquant l’amorce d’un tremblement harmonique. De loin arrive un chant dont la réverbération laisse imaginer la profondeur insoupçonnée d’une gorge au cœur du granit. La nature déborde en une rivière qui ruisselle le long du tunnel pour jaillir sur les myosotis. Les petites fleurs mauves se redressent imperceptiblement sous le soleil de midi, jusqu’à retrouver leur initial emplacement avec un éclat redoublé.

 

dimanche 24 août 2025

Il n’est pas si courant de trouver casquette de routier à son pied. Aussi trouver une paire de casquettes pour ses deux pieds est extraordinaire. La jointure de la maille souligne à la perfection la ligne du talon et on prend toute la mesure de l’inachevé du pied sans sa casquette de routier. Les véritables baguettes françaises sont fuselées et ne porte aucune trace de farine sur leur peau dorée. C’est ainsi qu’elles sortent du carton à chapeau qui cache tout au fond une couque suisse. Le ciel se reflète dans les lunettes miroir qui intègrent toute la diversité de la ville dans leur champ de vision : le sac Lidl qu’utilise Sébastien pour transporter ses câbles trouve son harmonie sur les trottoirs pavés du vieux Lille, à l’aplomb des vitrines de luxe, les étoffes bleu ciel apparaissent mauves sous les néons orange du tunnel routier et tout devient beau comme il ne l’a jamais été. Ces lunettes sont l’accessoire imaginé par des opticiens profondément ecclésiastes pour révéler la lumière sacrée au cœur de chaque chose.

mercredi 13 août 2025

On penserait ces spartiates dans une vitrine de luxe de la Piazza San Marco. Or, la poussière noire collée sur le caoutchouc fondant de la semelle blanche les originent indubitablement dans le hangar d’une zone commerciale. C’est en expirant dans du bubble-gum que le Titien a photographié ces manches bouffantes dont depuis se parent les princesses aspirantes pour la ronde vénitienne around the clock. La taille d’Eostre est enserrée dans la cheminée de viscose imprimée d’une tente d’indien. En levant les yeux, on imaginerait les dessous de la belle époque. On verrait le ciel azuré se fondre dans l’origine du monde où la rosée du matin, les grappes de poires et le vol des libellules prennent leur source.

dimanche 3 août 2025

On distingue les photons pointus des photons émoussés par leur aptitude à révéler l’effet du temps qui passe. Ainsi les photons pointus grignotent le marbre qu’ils transforment en béton rugueux. Ils en effacent progressivement les fossettes. Ils gomment la chair jusqu’au squelette qu’ils pulvérisent. Ne subsiste alors qu’une fine couche de poussière sur l’encaustique des souvenirs. Au contraire les photons émoussés adoucissent la pierre jusqu’au marbre pour en souligner les veines qui rythment la cartographie de la vie.