il s’agit d’un pays nordique de l’Espagne de
l’Italie ou du Portugal Nick Cave doit s’y produire pour un court récital qui
pourrait être de nature à déplacer les foules si l’organisation n’était pas
aussi chaotique la salle de concert ressemble à un hypermarché vidé de ses
provisions avec une hauteur sous plafond incroyable fermée par une toiture de
tôle métallique un sol carrelé de motifs très larges blanc-gris légèrement
rugueux afin de faciliter l’entretien la lumière qui s’écoule des rampes de
néon est aussi froide qu’une giboulée il est difficile d’identifier la zone
scénique tant le sol est clairsemé de spectateurs assis en tailleur sans
alignement privilégié d’équipements techniques de toutes sortes et d’un vrac de
stockages divers il est probable que les musiciens suivant leur rôle occupent
plusieurs ilots de l’espace traité comme un plateau de théâtre c’est en effet
suivant ce schéma qu’ils prennent place conformément au protocole Nick Cave
arrive le dernier et s’installe dans un petit espace au fond et à droite de
l’immense superficie avec Christina qui lui fait face assise en tailleur dos au
public il est facile de s’approcher des vedettes en se glissant derrière les
pendrillons d’un blanc cassé assez inhabituel pour une salle de spectacle mais
sans savoir par quelle mécanique étrange les pendrillons ne cessent de se
déplacer et de se repositionner pour recouvrir les spectateurs qui jusque-là
s’estimaient chanceux pour les contraindre à s’avancer en conséquence jusqu’au
point de stabilité qui trouve probablement son explication dans la butée d’une
glissière et c’est au final dans une grande proximité que l’on peut apprécier
les détails de la scène l’instrumentarium est essentiellement composé de cordes
frottées amplifiées Christina triture un lapsteel à l’aide d’un
peigne bleu-nuit étoilé de paillettes en parfait accord avec sa tenue
vestimentaire il se dégage un certain magnétisme de cette courte performance
inénarrable c’est de fil en aiguille que nous nous retrouvons dans un couloir
assis sur des coussins à ramages orange et marron face à une porte de vestiaire
Christina ne supporte pas d’être isolée dans un espace clos plus de quelques
minutes et elle éprouve le besoin de la chaleur d’une attention constante en
sortant de la douche Nick affecte d’être troublé par cette situation qu’il
comprend par cœur il n’en tient pas rigueur et semble même vouloir nous
témoigner sa reconnaissance en nous invitant à prendre le souper au restaurant
de leur hôtel ils y ont leurs habitudes au moins depuis hier et n’ont aucune
difficulté à choisir ce qu’ils ont envie de manger en puisant un sachet-menu
dans les grandes corbeilles métalliques disposées parallèlement aux caisses il
aurait été plus sage de suivre leur exemple plutôt que d’opter pour le menu à
la carte car le pain n’a pas de cervelle le fromage a vite fait de s’effriter
les légumes sont introuvables même si les assiettes contiennent par défaut un
fond de vinaigrette les rayonnages ont beau être quasiment vides choisir prend
un temps fou et au moment de régler le montant des achats le caissier se plaint
de l’impolitesse de la clientèle ce à quoi il est difficile de ne pas compatir
mais tout de même le caissier s’exprime en vidéo par l’entremise de son
smartphone et nous avons beau n’être séparés que par le bandeau d’un tapis
roulant en matière caoutchouteuse ce n’est que l’image de son visage qui s’exprime
par le téléviseur miniature brandi au creux de sa main
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