samedi 12 avril 2025

il faut traverser le lac sur un bateau du dimanche puis emprunter un petit train à vapeur c’est calme et pas très compliqué si on ne loupe pas la correspondance on prend place à la seule table occupée par un couple de seniors qui nagent dans leur aisance avec fluidité sans s’agripper à la tirelire qui leur ferait office de bouée-cochon c’est un repérage pour le trajet du retour à venir après quelques jours passés dans la grande braderie d’une avenue de Budapest c’est au sortir des toilettes que tout bascule de l’autre côté du bâtiment qui semblait pourtant jouxter l’avenue initiale de la braderie s’ouvre alors un dédale inextricable de gigantesque braderie dont la première à laquelle nous venons de consacrer plusieurs jours n’était vraisemblablement qu’une contre-allée de garage ça grouille de fourmis-chineuses jusque sur les marches métalliques d’escaliers en cul de sac au-delà de la rambarde d’un balcon en mosaïque on embrasse l’étendue d’une carte postale ponctuée de larges façades colorées dont on ne pouvait soupçonner l’existence depuis la contre-allée soviétique bordée d’arbres d’avant les toilettes on bascule dans la nuit colorée de projections musicales où déambulent des apparitions féériques cette errance croise le chemin d’autruches aux cuisses de kangourous hissées sur de hauts talons carrés à la peinture dorée un peu plus loin un chat massif à petite tête de marmotte ondule sur le roulement des larges roues d’un canon en bois impossible d’être à l’heure pour le bateau du retour sans retrouver rapidement le chemin de l’avenue initiale de l’autre côté du bâtiment des toilettes avertir de la situation et activer le GPS sont les deux priorités de l’instant mais de ce côté-ci les téléphones sont aussi impalpables que le sucre des gaufres belges si bien qu’au terme d’une interminable glissade sur l’huile de l’écran des pattes de mouches tracent péniblement la calligraphie de la courte phrase « je suis perdu » le message envoyé la fait apparaître dans un cadre blanc au bas d’un autoportrait en compagnie d'une brune hongroise à queue de cheval attablée face à un gros gigot tout de chair rosée l’ambiguïté de ce message appelle une clarification dont l’échéance s’éloigne à mesure de cette déambulation dans le labyrinthe des couleurs en son centre la niche du Minotaure est remplacée par une bâtisse magistrale intégralement maquillée de lumières vives comme au Crazy-Horse sur le parvis dans l’ombre d’une fosse d’orchestre c’est Poséidon sur son char qui plonge dans les profondeurs du bassin avec le buste du géant Makovec collé sur les grosses écailles de pierre de sa queue de sirène de Cyd Charisse en contrepoint à l’autre extrémité du bassin trois cariatides ponctuent de leur immobilité les remous incessants provoqués par les éclaboussures de la baleine antique le GPS censé pointer vers un autre endroit conduit aussi à un autre moment de la journée il y fait jour c’est de nouveau l’après-midi comme à l’entrée dans le bâtiment des toilettes il semblerait que ce soit le retour dans le périmètre de l’avenue initiale de la braderie il s’agit bien de la berline noire aperçue quelques jours auparavant mais quelque chose est différent dans la toiture de la maison d’en face

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