dimanche 9 novembre 2025

Ce qui effraie dans le portrait de Dorian Gray en donnant soudainement l’illusion profonde de tout comprendre, ne tient qu’à sa face visible, si repoussante qu’elle dissuade de faire le tour de la question. Le grain de la toile porte intégralement le grain de la peau. Si bien qu’à l’endroit des rougeurs suintantes de la face visible se trouvent des cratères desséchés sur la face cachée qui sont des ilots de vide dans le désert du visage. La conjonction vivante de ces deux réalités apparentes est nichée au cœur de la toile, dans le labyrinthe formé par l’entrelacement des trames horizontales et verticales dont l’esprit directif ne peut trouver l’issue. La connaissance est une rivière qui sort de son lit. Elle franchit les berges pour sonder l’ensemble du paysage à la manière d’une intelligence diffuse qui pousse ses gouttes toujours un peu plus loin alentour. L’intrication des fibres du portrait de Dorian Gray s’étend au-delà du cadre du tableau. Si Jekyll et Hyde n’apparaissent jamais dans le même plan cinématographique c’est parce qu’ils sont les deux incarnations d’une même personne projetées chacune dans leur décor. C’est un coup d’œil furtif, à travers le mur de la physique newtonienne, qui révèle des présences intriquées, dans la même pièce éclairée par la fenêtre exposée au sud, tendant entre elle des rayons de lumière invisibles comme des fils de nylon, la première habillée de noir, l’autre de blanc, si différentes et si semblables, chacune habitant la beauté qui lui est propre.

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