jeudi 18 décembre 2025

C’est le même appartement, pénétré d’un voile de brouillard, comme oublié dans une caverne du temps. Le canapé est repoussé contre le mur. Il n’y a pourtant jamais eu d’autre locataire depuis. Une de ses incarnations est demeurée dans le recoin de ces murs blancs. Il s’agit de celle en pull de camionneur vert criard qui fait écho au mien de couleur noire. Peu importe désormais la couleur du molleton : c’est la réponse à la question soulevée un jour dans le cahier à couverture de moleskine. L’esprit apparaît langé, bébéifié, distant de 50 années-lumière. Sa brassière clignote comme un phare sur le rivage. C’est le signal des minuscules éruptions solaires qui font vibrer les peaux d’oranges, bourgeons de la supernova qui tinte au milieu des nuits 40 ans plus tard, comme des grelots sur la carapace à rendre folle la tortue. Puisque le Sud s’endort en hiver, avec la fermeture des officines, avec les rues vides à craquer, avec la dissémination qui n’entretient plus l’été, elle est revenue au Nord, à la redécouverte de quelques vies qu’elle y a laissées. Tout est affaire de température, de transfert de chaleur qui s’opère ou ne s’opère pas, du chaud qui enfièvre la cocotte-minute, du froid isolé qui gèle tout échange avec l’extérieur, de l’équilibre de l’être plongé dans l’univers dont les chardons témoignent, l’air de rien, des paroles de la terre qui font frémir leurs racines. L’astre se tient dans le cadre du chambranle donnant sur la cuisine. Les flammèches du temps sont bleues comme jadis le myosotis de son chemisier. En foulant l’herbe au point de rosée, on entend des oiseaux inconnus piailler dans le lointain, ils jouent avec la dilatation des voies de chemin de fer. Le corps nu est un cachet d’aspirine qui se dissout dans le ciel pigmenté des poussières d’étoile. Dans les feuilles tropicales du vestibule, j’étreins un vieil homme iridescent avant de quitter l’appartement.

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