vendredi 28 mars 2025

aucun risque de s’égarer dans les couloirs de l’aéroport de Merville à l’arrivée Fruchart temporise l’autocar-navette avec son composteur il a troqué sa blouse en nylon marron pour une chemise blanche parce que c’est l’été le ruban de chatterton sillonne le long des cafeterias en plein air avec les tables et parasols plantées dans la tignasse jaune des herbes folles au milieu de ces établissements une maquette d’avion orne le portail d’une école de pilotage de l’autre côté de la route le soleil étanche son feu dans l’huile de la mer et sa lave est complètement engloutie lorsque l’autocar-navette arrive dans la ville comme un sous-marin en immersion sous la nappe d’huile l’autocar-navette pénètre dans un sas constellé d’éclaboussures au parfum de forage c’est une gare de transit vers la fête à neuneu du Mont-Noir le marché s’agite dans la nuit étoilée d’ampoules jaunes une fille en sneakers et jean slim règle la circulation dans le mouvement chaoteux de l’autobus suivant les règles de la relativité elle clame les stations d’une voix plantée dans le terroir de la route elle distribue les tickets et rend la monnaie des esquimaux avec l’énergie et le sourire naturel du travail bien fait l’autobus escalade la nuit le long des trottoirs tamisés par la lueurs des barraques foraines à la descente du marchepied ce ne peut-être que tout droit mais la perspective est bouchée par les pachydermes qui écrasent la mosaïque des pierres de leurs lourdes pattes caoutchouteuses sur la gauche un cube de verre immaculé éclairé de l’intérieur comme une antre de la bible au bord du pédiluve deux vestales en hauts-tallons et tulle de soirée leur sillage de fragrance poudrée débouche dans le hall d’un bungalow obscurément étagé et percé d’un large escalier de bloc hospitalier une lourde porte de plastique pivote au premier tour de clef c’est ici que l’on s’allonge à quelques pas de l’écume tapie dans le noir

 

mardi 11 mars 2025

la création de l’ORTF est bien antérieure à 1964 comme en témoignent les orbitales atomiques qui se dessinent sur l’écran carré de ses lunettes si la théorie atomiste précède la Grèce antique il n’est pas surprenant que sa représentation sur les verres de lunettes de l’ORTF ait pu à ce point traverser les âges les déesses polythéistes arborent des montures en écaille sous la frange de leurs boucles brunes jusqu’à nos jours même si les étoffes ont évolué le lin le coton la dentelle la soie le tergal le blue-jean le polyester le lycra puis à nouveau le lin cette invariance de marbre est une statue qui domine le paysage la rotation de l’aiguille des heures prend le temps de se nourrir de toutes les présences du monde la lente alternance des marées prévient le stress inélastique de la peau qui précipiterait l’altération des ramifications intérieures le rythme de la respiration profonde n’est pas celui du film de celluloïd qui défile en arrière-plan tendus sur leur tranchant externe les pieds restent ancrés dans la croûte du sol le dos reste droit dans les chaises en plastique la ligne du sourire ne déraille pas dans le vacarme des conversations c’est le long de cette marge que glisse le souffle imperceptible d’un sourire lointain

 

mercredi 5 mars 2025

bouche bée devant la girafe devant ses jambes infinies devant sa robe de léopard devant son cou gracile qui s’enroule dans le ciel comme l’écharpe de Jeanne Balibar

dimanche 2 mars 2025

un enroulement sur soi-même remonte et redescend comme un manège de chevaux de bois redescendre cueillir la feuille de papyrus remonter sur le coton d’un nuage tandis que le soleil se fait lentement plus dense l’arbre pousse sous l’effet de la photosynthèse la sève qui se nourrit de l’humus des mortes feuilles abritées dans l’ombre des pierres irrigue le cuir de l’écorce comme le mercure d’un thermomètre puis éclate le goulot sur les robes jaunes d’Estoril elle pleut sur la terre sans nourrir les mandragores les feuilles phosphorescentes grimpent les murs de la caverne jusqu’au plafond puis suintent des perles de chlorophylle dans le cœur du repos

jeudi 27 février 2025

la nuit est une boîte tapissée de papier buvard gorgé d’encre Waterman le halo qui tombe des pilonnes magnifie le pavé la chenille qui court sur les ampoules fait clignoter les pupilles la nuit est une boîte qui se consume de l’intérieur la nuit est une boîte de nuit un cube est encastré dans la barraque à nougats une autre boîte pas plus grande qu’une niche fermée de petits rideaux de velours rouge qui dissimulent une vie minuscule les rideaux s’ouvrent de temps en temps comme un coucou un visage d’homme adulte posé sur un mini-corps encostumé avec des souliers soigneusement cirés qui pointent sous le revers d’un pantalon de poupée Prince de Galles sort de la niche Papa et Maman sont à côté un petit tour et c’est fini la danse mécanique s’arrête les rideaux se ferment en soufflant le malaise d’une queue de comète pailletée dans la nuit la niche est un interstice dans le buvard Waterman le trou d’une serrure par où la voie romaine s’extirpe dans la montagne avant l’invention de la machine à vapeur les roues cerclées de fer écrasent le granit sous le poids du chargement d’offrandes elles y gravent un sillon millénaire de veines grises et noires jusqu’au plateau de la Vénus callipyge assise en diamant sur un bloc de bois tendre le serpentin de la route est un fil tendu entre les rideaux de velours rouge qui ferment la nuit et les pans de granit qui concentrent la lumière de midi sur le sourire mélancolique de la déesse

mercredi 19 février 2025

une niche de bois gris adossée au ciment blanc du mur tout au fond de l’interstice une vanne rouge régente les écoulements véhiculés par des tuyaux de fer enguirlandés de poussière propre le rectangle de la maison est posée dans le cadre d’une bordure d’herbes folles rectilignement taillées jaunies par l’été un arbre sur son flanc gauche filtre la lumière du soleil trop vif avant son entrée par l’unique fenêtre de la bâtisse personne à cette heure du crépuscule une voiture ralentit à hauteur de la maison avec ses formes arrondies et ses ailes jaunes métallisées piquetées de rouille de ces voitures qui restent indéfiniment à l’arrêt en contrebas d’un haut mur d’usine en briques un bras massif sort de la vitre ouverte puis une cigarette tombe d’un visage mi-goguenard mi-bonhomme il n’y a pas de Françoise ici sur le coin en face juste sous le coucher du soleil une épicerie derrière le comptoir une vieille amie de Françoise de retour au village à l’issue d’un parcours d’étude et de stupides expériences professionnelles le côté droit de son visage porte les sillons du peigne qu’elle  glisse quotidiennement dans ses cheveux noirs son regard est bleu comme la fin de l’école le soleil lance ses derniers rayons dans les verres de pils louer une chambre à 27 euros dans cette auberge juste pour voir le matin s’allonger sur le schiste rouge de la place

samedi 8 février 2025

le nu descendant un escalier sourit quelque part sur la colline le chemin relève d’un labyrinthe sortir du petit square avec ses mini troènes pour rejoindre l’avenue principale à hauteur d’une maison marquée de l’écriteau doré « ici vécut la famille Duchamp » non loin de la poste et de sa lourde porte en bois encrassé infiniment gravée au clou par un ermite en sac de couchage cette superposition de minutieuses tranchées est tout le contraire du ready made c’est de l’art qui n’arrête pas de se faire descendre l’avenue vers la placette avec à gauche le vieux palais de justice criblé de balles boches des âmes attendent dans ses couloirs parqués de bois sombre c’est en contournant la placette qu’une petite rue pavée cachant la broyeuse de chocolat finit par ramper sous l’horloge puis remonte en longeant la pâtisserie qui exhibe dans sa vitrine des sexes boursouflés à la pistache croiser le flot des berlines flamandes qui ralentissent au feu de l’auto-stoppeuse à perruque rousse Rousseau et son contrat social suspendent leur plume pour l’arrivée des titaniques paquebots glissant sur le fleuve comme des barres de HLM grimper le serpent noir bordé d’arbres qui se déhanche juste avant de cogner dans l’échoppe déserte murmurant du rock’n roll de l’ancien temps dans le silence qui précède l’heure du loup au petit matin au petit gris sur le plateau surplombant le smoggy motion en contrebas le pavillon provincial abritant la connaissance du monde s’ouvre par une porte vitrée sur l’hôtesse aux lèvres goulinantes du jus de la broyeuse à chocolat dans une petite pièce sombre encadrée de rayonnages en merisier le sourire du nu descendant un escalier se dessine dans la lueur verte opaline d’une lampe de banquier

dimanche 26 janvier 2025

la dame du métro radote elle répète trois fois la même chose dans son micro en plastique les doubles-rames sont deux fois plus courtes que les simples et à l’heure où les anoraks deviennent aussi gros que des culs les sièges initialement petits restent de la même taille les silhouettes du métro sont des fantômes dont le reflet dans les vitres coulissantes disparaît à chaque station

 

mercredi 22 janvier 2025

un village avec des sapins verts et des paillettes rouges des traineaux rosebud taillés comme des drakkars dans une intention mortifère d’envierger le paysage au kärcher à neige au mur la photo d’un groupe de personnes comme celle de gens heureux dans l’ancien temps mais en couleurs plusieurs générations agglutinées en tenues de carnaval de Dunkerque un sourire timide au petit oiseau qui va sortir un sourire timide à la mésange virevoltant vers le printemps l’anorak marque la distance comme le comptoir d’une officine de pharmacie avec présentoirs à masques chirurgicaux et gels alcoolisés à l’eau les sillons tracés par les arcs-en-ciel chevauchant pluie et soleil au coin des paupières s’évanouissent dans l’angle mort de son propre visage

dimanche 19 janvier 2025

les fétus de paille sont la pluie du soleil accumulée tout au long de l’été ils sont des rayons cassés comme des spaghettis et regroupés dans un recoin de désert jaune séparé de la civilisation par une palissade de béton c’est ici que l’on s’imagine gisant écrasé de chaleur et immobilisé par une plaie ouverte au flanc droit le bégaiement du projecteur crachote des morceaux de souvenir sur l’écran blanc du ciel le tee-shirt rouge de la gamine et sa moue hésitante à l’approche de la bouche de Guillaume le cirque de ballots qui flamberait au moindre mégot inadvertant le trottoir oblique en face du cimetière que l’uréthane translucide avale avec juste un petit soubresaut sous la plante des pieds le plancher du grenier ou l’on effeuille en silence des magazines illustrés retraçant les exploits d’Alain Bombard une voiture vient de se taire à l’orée du désert l’ombre d’une brindille découpe l’horizon sa silhouette se précise dans le rideau à franges du soleil elle trébuche sur les mottes de terre déséquilibrée par son vanity case grand comme une glacière elle en sort un nécessaire élémentaire de nettoyage épidermique par le trou de serrure des yeux ouverts sur le monde on voit des firloupes grises qui semblent s’être déchirées de ses Stan Smith rappées et un pauvre tricot bleu marine qui protège le menu de son corps de la voracité de l’été ses doigts d’araignée filent d’un geste consciencieux le printemps fauché par la pandémie il se forme au-dessus de son masque chirurgical des liaisons de soie pendantes qui embuent son regard au crépuscule

mardi 14 janvier 2025

assise sur l’autre rive de la table en bois clair dans le contre-jour d’une vitre en plexiglas qui exhibe les feuilles luxuriantes du jardin sauvage elle apparaît intégralement nimbée de lumière comme Marie-Madeleine dans sa marinière blanche et bordeaux

 

dimanche 5 janvier 2025

à vélo en sweat-shirt gris à capuche c’est l’hiver mais il fait doux et c’est ensoleillé même la nuit ne pas suivre l’itinéraire du GPS rouler à l’instinct dans les petites routes de campagne pour rejoindre le centre de yoga ça serpente entre les champs les virages bordés de petits poteaux de pierre ça monte mais la pédalée est très fluide suivre l’indication du panneau rouge et jaune qui pointe Jardiland comme en Belgique le paysage intérieur se précise et comme attendu la petite route longe l’hôtel de bord de mer de Maria à Gerani